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2009 04 16 * Le Parisien * Révélations sur les richesses cachées de l’Eglise * Marc Payet

fonte: http://www.leparisien.fr/societe/revelations-sur-les-richesses-cachees-de-l-eglise-16-04-2009-480590.php

Hôtels particuliers, bâtiments loués à un grand groupe, l’Eglise de France possède un important patrimoine immobilier. De son côté, le Vatican gère des immeubles de luxe en plein Paris.

L’église dissimule-t-elle ses richesses ? «Arrêtons les fantasmes ! L’Eglise est pauvre, car elle a plus de charges que de rentrées», répond Jean-Michel Coulot, secrétaire général adjoint, chargé des questions financières à la Conférence des évêques de France. Elle a pourtant ses petits secrets comme des immeubles dans les plus grandes villes de France, des hôtels particuliers en plein Paris ou des appartements loués à bons prix. «Nous avons surtout un patrimoine invendable, faits d’écoles et de chapelles, qui nous coûte plus qu’il ne nous rapporte. Effectivement, on ne peut pas vous cacher que nous avons certains immeubles rentables. A nous de les faire fructifier pour le bien de l’Eglise», glisse Bertrand de Feydeau, directeur des affaires économiques du diocèse de Paris et ancien président d’Axa Immobilier. En 1998, alors sous la casquette d’Axa, il avait piloté la rénovation du couvent des Bernardins, à la demande du diocèse. Une opération de 49 millions, financée à 35 % par le diocèse, et le reste par l’Etat, la Ville de Paris, la région, et le mécénat.
L’Eglise de France possède donc des «pépites» de grande valeur. Mais, et c’est moins connu, le Vatican lui-même est propriétaire d’une dizaine de magnifiques biens à Paris, dont certains sont loués par de hautes personnalités. En province, de multiples associations immobilières gèrent des dons et legs effectués par des bienfaiteurs.



L’appétit des promoteurs
Et les propriétés des grandes congrégations suscitent l’appétit des promoteurs. Cela prouve que l’Eglise demeure une puissance économique. Elle dit avoir besoin de ces rentrées pour payer ses prêtres et financer les travaux dans les églises construites après 1905. Malgré ces explications, les chiffres de l’Eglise restent difficiles à rassembler.
«Vous aurez du mal à comprendre les comptes de l’Eglise. Rien n’est centralisé. C’est un vrai millefeuille, entre ce qui dépend des diocèses et ce qui repart à Rome», nous prévient Christian Terras, rédacteur en chef de la revue catholique critique «Golias». «Les évêques gèrent bien leurs comptes. Mais l’Eglise gagnerait parfois à plus de transparence», ajoute le député René Dosière, auteur d’un rapport sur l’Eglise en Alsace.


Des locaux d’entreprise et des hôtels particuliers

L’église ne parle jamais de ça. Pourtant, et ce n’est pas illégal, elle possède en France un certain nombre de propriétés qui lui rapportent de l’argent. L’Eglise n’est pas si pauvre que les clichés le laissent entendre. Nous avons enquêté sur ces biens secrets encore détenus à l’abri des cathédrales. 



36 millions d’euros pour les évêques de France
Au 58, avenue de Breteuil, dans le VII e arrondissement, un très bel immeuble de 5 000 m 2 accueille depuis mai 2007 le siège de la Conférence des évêques de France, navire amiral de l’Eglise de France. Cent dix salariés travaillent sur place. Dans ce quartier parmi les plus chers de Paris, son acquisition a nécessité une opération complexe. «L’achat du bâtiment et les travaux importants effectués sur place ont représenté un investissement de 36 millions d’euros», explique Jean-Michel Coulot, secrétaire général adjoint, chargé des questions administratives, financières et juridiques à la Conférence des évêques. L’ancien propriétaire de ce couvent était une congrégation religieuse, les soeurs du Cénacle. 
Pour financer ces investissements, les différents diocèses de France, regroupés dans la Conférence des évêques, ont décidé de vendre au Secours catholique des bureaux qu’ils occupaient au 106, rue du Bac, à Paris. L’appel aux dons des fidèles a aussi été lancé. Une société civile immobilière, la SCI Breteuil, a été créée dans le cadre de cette opération. «Au final, nous avons fait une belle opération. Le siège actuel, vu le prix du marché de l’immobilier dans le VII e arrondissement, vaut beaucoup plus que 36 millions d’euros.» A 10 000 € le m 2 dans ce quartier, selon des agences, le bien est effectivement évalué à 50 millions d’euros.



Entre 10 et 20 millions d’euros de loyers 


L’Eglise possède un certain nombre de biens qui lui rapportent de l’argent, sous forme de loyers. «On estime que nos revenus locatifs sont compris dans une fourchette allant de 10 à 20 millions d’euros», estime Jean-Michel Coulot. Dans le détail, le diocèse de Paris possède deux pépites. Un bâtiment de 5 000 m 2 loué à Suez Environnement, au 8, rue de la Ville-l’Evêque, à deux pas de l’Elysée. «Nous louons effectivement ces bureaux au diocèse de Paris, mais nous ne communiquons pas le montant», explique-t-on chez Suez. Selon une agence immobilière du quartier, ce type de bien se loue autour de 3,5 millions d’euros par an. Le diocèse de Paris possède aussi l’hôtel particulier d’Artagnan, au 122, rue de Grenelle, tout proche des Invalides, loué à des particuliers. «Cet immeuble d’habitation nous a été légué il y a quelques décennies par une famille pour nous soutenir», indique Bertrand de Feydeau, responsable de l’immobilier du diocèse de Paris. La surface d’environ 2 000 m 2 représenterait un loyer annuel d’environ 720 000 €, selon un professionnel de l’immobilier. Le reste des revenus immobiliers, pour la France entière, vient de différentes sources : «C’est une somme de petites choses, parce qu’à la vérité notre patrimoine nous coûte souvent plus qu’il nous rapporte. Nous avons des écoles privées qui nous versent des loyers car les biens nous appartiennent. Nous avons aussi des associations à caractère social qui louent certains de nos bâtiments», ajoute Jean-Michel Coulot. Dans les grandes villes de province, les diocèses possèdent aussi de nombreux biens. A Marseille, Bordeaux, Tours, Lyon, en particulier, beaucoup d’immeubles appartiennent à l’Eglise et lui rapportent de l’argent. «Nous prospectons dans ces régions pour leur proposer de vendre. Il y a des affaires à faire», explique un conseiller immobilier spécialisé dans les affaires religieuses.



Les dons des associations immobilières 


Des richesses sont placées sous forme de legs ou de dons dans des associations immobilières, laïques mais liées à l’Eglise. Ainsi à Saint-Ouen, un immeuble et deux commerces appartiennent à l’Association immobilière de Saint-Ouen et sont loués à des particuliers. «L’argent des loyers est reversé à l’Eglise sous forme de dons, lorsqu’elle a besoin de faire des travaux», explique le responsable, Henri Casanova. Mais, parfois, se plaignent des diocèses, certaines de ces associations se font tirer l’oreille pour partager leurs richesses. 


Le pactole des Petites Soeurs des pauvres

Ce sera le plus grand chantier immobilier de Paris. L’ancien hospice des Petites Soeurs des pauvres, dans le XVI e arrondissement, boulevard Murat, construit sur un terrain de 22 ha, a été vendu au promoteur immobilier Cogedim. Le président de Cogedim Residence, Alain Robert, ne veut pas donner le prix de la transaction mais indique qu’«il y aura 180 logements en accession privée, 80 logements sociaux, une maison de retraite médicalisée, un jardin public, et nous maintiendrons l’aumônerie, sur demande expresse du diocèse». Selon un promoteur spécialiste des achats de foncier, «ce genre de terrain, rare à Paris, se négocie autour de 1 700 € le mètre carré». Les Petites Soeurs des pauvres, qui encaisseraient 37 M€, expliquent de leur côté que cette vente permettra «de continuer à financer des missions dans le monde». Le tribunal administratif devra toutefois examiner un recours déposé par une association de riverains. S’il n’annule pas le permis de construire, le chantier commencera en octobre, pour être terminé en 2011.


Ce que dit la loi de 1905

La loi du 9 décembre 1905, votée à l’initiative du député socialiste Aristide Briand, sépare les Eglises et l’Etat. Toutes les églises construites avant 1905 deviennent propriété de l’Etat, alors que seules celles bâties après 1905 appartiennent à l’Eglise. Les communes deviennent responsables de l’entretien des églises construites avant 1905. De très nombreux biens du clergé sont transférés à l’Etat. A dater de cette loi, les ministres des cultes (évêques, prêtres…) sont rémunérés non plus par l’Etat mais par les dons des fidèles. L’Etat perd le droit de veto sur la nomination des évêques, réservé dès lors au seul pape.


«Je ne vois pas où est le problème»
BERNARD KOUCHNER, ministre des Affaires étrangères

Nous avons sollicité le ministre des Affaires étrangères sur le fait qu’il loue un grand appartement propriété du Vatican. Il nous a répondu par le biais de son chargé de communication, Jacques Baudouin.
«Le ministre sait qu’il loue un appartement à la Sopridex, au 4, rue Guynemer. Il sait que cette société gère les biens immobiliers du Vatican. Cela fait trente-cinq ans qu’il le loue, il a là-bas succédé au fondateur du Parti communiste égyptien. François Mitterrand a aussi habité dans cet immeuble, de même que le résistant Henri Fresnay. Même devenu ministre des Affaires étrangères, il ne considère pas que cela puisse poser problème. En revanche, il ne souhaite pas évoquer la surface de l’appartement, ni son loyer. Tout ce qu’il peut dire est qu’il a augmenté.»


«Un loyer au prix du marché»
CHRISTINE ALBANEL, ministre de la Culture

Christine ALBANEL a habité, pendant plusieurs années, dans un immeuble du Vatican, au 8, boulevard du Montparnasse. Elle était alors conseillère de Jacques Chirac à l’Elysée, puis, après 2003, directrice de l’établissement du château de Versailles. Elle nous donne son point de vue, via son responsable des relations presse. 
«Christine Albanel a effectivement loué ce logement de 1998 à 2006. Elle savait que cet appartement appartenait au Vatican, via la société Sopridex. La surface était de 85 m 2 , et le loyer était de 1 700 € , ce qui lui semble être le prix du marché. Elle l’a quitté en décembre 2006 pour devenir propriétaire. Pour elle, louer un appartement du Vatican n’était, en aucune façon, un choix idéologique.» 


LEXIQUE

L’Eglise catholique est constituée de différentes entités. 



Le Vatican. Le pape est le chef spirituel de l’Eglise catholique, et en même temps chef de l’Etat du Vatican, à Rome. Il nomme les évêques, dans les différents pays. Il a autorité sur l’Apsa (Administration du patrimoine du siège apostolique), l’organisme qui, au sein du Vatican, gère le patrimoine immobilier du Saint-Siège. Le Vatican reçoit des dons des fidèles, appelé le denier de saint Pierre. 



Les diocèses. Dans chaque pays, l’Eglise est organisée en une centaine de diocèses, placés chacun sous la responsabilité d’un évêque. Le diocèse est lui-même sous-divisé en paroisses. L’évêque nomme un économe diocésain, chargé du budget. Le diocèse est autonome dans sa comptabilité. Les comptes de chaque diocèse sont certifiés, chaque année, par un commissaire aux comptes, en raison de la loi de 2003 sur le mécénat pour toute association recevant plus de 150 000 € de dons par an. Si une anomalie est constatée, il doit le signaler au procureur de la République. Les différents diocèses ont une maison commune, à Paris, appelée Conférence des évêques.



Les congrégations. Ce n’est pas l’Eglise proprement dite, mais des communautés religieuses, comme les Petites Soeurs des pauvres, les jésuites ou les chartreux. Ces congrégations sont historiquement propriétaires de couvents ou de terrains. Pour les ventes de biens supérieurs à 2,5 millions d’euros, elles doivent demander l’autorisation à l’un de leurs «correspondants» au Vatican.